Nous sommes des botanistes amateurs.
Si vous remarquez des erreurs, toujours possibles, dans la détermination de nos plantes, merci de nous le signaler en commentaire
Le départ était initialement prévu à 10 h depuis le parking de covoiturage de la Tuilière, près de la mairie annexe de Saint-Saturnin-lès-Apt. Toutefois, en raison du retard de certaines voitures, le départ a été légèrement décalé. La pluie matinale a rapidement cédé la place à un ciel dégagé.
Marie-Thérèse nous a proposé en matinée la visite des Marnes grises de la Tuilère sur la commune de St Saturnin-les-Apt, labellisées en Espace Naturel Sensible en raison de sa richesse géologique mais également pour son intérêt floristique !
Nous traversons le hameau de la Tuilière, observant des hirondelles de fenêtre -Delichon urbicum - écoutant le chant de l'alouette lulu - Lullula arborea.

Propriété de la commune de Saint-Saturin-lès-Apt et géré en partenariat avec le Parc naturel régional du Luberon, ce site a été labellisé Espace Naturel Sensible par le Département de Vaucluse en raison de sa grande valeur géologique et écologique. C'est également l'un des géosites du Géoparc mondial UNESCO du Luberon.
Entre les ocres de Roussillon et les calcaires des Monts de Vaucluse, ces paysages de marnes vont vous étonner, par leur morphologie en « dos d'éléphant » et par leur extraordinaire richesse fossilifère.
Alors êtes-vous prêts à remonter le temps ?
L'Espace Naturel Sensible s'étend sur la colline des Gays sur plus de 11 hectares, auxquels s'ajoutent quatre sites annexes. L'entrée du site principal est équipée de deux panneaux d'interprétation. Ils vous révéleront les secrets de ce milieu très particulier et les raisons de sa nécessaire protection.
Pour y accéder, suivez les panneaux directionnels le long du chemin. Vous pourrez vous y promener avec prudence, respect et curiosité.

Mais qu'est-ce qu'une marne? C'est une roche sédimentaire constituée d'un mélange de CALCAIRE et d'ARGILE, dans des proportions d'environ moitié-moitié.
Le nom du hameau provient des tuiles fabriquées sur place.
Outre le fait que ce lieu est très fossilifère, c’est un espace où la végétation est particulièrement adaptée à ce type de roche argileuse, sèche l’été, profondément ravinée et gorgée d’eau après les pluies.
Ainsi, le Sainfoin humble d’Europe, a la racine pivotante pour résister aux ruissellements, c'est une espèce protégée à l'échelle régionale et rare en Vaucluse.
Le sainfoin humble - Hedysarum bovaerum subsp europaeum - Fabacées
Blackstonie perfoliée - Blackstonia perfoliata - Gentianacées
Nous observons la subérisation de l'orme - Ulmus minor
Ce phénomène naturel peut s'observer sur les ormes champêtres, les érables champêtres, les fusains et bien sûr les chênes liège. Les rameaux sont munis de crêtes liégeuses formées par la suberine, substance cireuse constituant principal du liège, elle tient son nom de "Quercus super", le chêne liège. Cette substance imperméabilise les cellules superficielles en limitant les pertes d'eau par évaporation, elle joue un rôle important dans la relation des plantes avec leur environnement.
Si le phénomène de subérisation nous est bien connu, nous n’avons en revanche jamais constaté la présence de galles sur l’orme.
Galle de f. Pucerons Eriosoma lanuginosum sur Ulmus minor
La galle est une excroissance anormale qui se forme sur un végétal à la suite de l’attaque d’un insecte, ici un puceron. En piquant la feuille à plusieurs reprises, le puceron injecte des substances qui provoquent une prolifération des cellules végétales. Cette réaction est une forme de défense de la plante, qui enferme l’insecte dans une structure protectrice : la galle. Celle-ci fournit un abri et parfois de la nourriture au puceron, jusqu’à ce qu’il soit prêt à en sortir.

Des crottes de renard contentant des noyaux nous confirment que ces animaux aiment bien les cerises!
Spartier à tiges de jonc - Spartium junceum - Fabacées
Ononis minuscule - Ononis minutissima - Fabacées
Immortelle - Helichrysum stoechas
Le sentier passe à présent dans un champ
où nous pouvons observer de nouvelles plantes
Potentille érigée - Potentilla erecta - Rosacées
Fruits de l'égilope ventru - Aegilops ventricausa - Tausch - Poacées
Nous voyons aussi une égilope ovale - Aegilops ovata - Poacées
Petite Centaurée délicate - Centaurium pulchellum - Gentianacées
Orchis pyramidal - Anacamptis pyramidalis - Anacamptis
Accouplement de deux hannetons des haies
Une fois le champ traversé, nous entrons dans un petit bois. L’air y est plus frais, agréable après la chaleur. Un ruisseau serpente entre les arbres.
Nous retrouvons la chaleur en pénétrant dans l’espace naturel sensible. Nous pourrons observer, rechercher des fossiles, et même ramasser ceux qui affleurent à la surface. Il est bien évidemment interdit de creuser.
La mare a été créée par les humains. Nous y apercevons une grenouille verte. Quelques nénuphars commencent à s’y développer.
Autour, les peupliers blancs et les pins d’Alep forment un écrin. Certains pins ont été abattus, mais leurs troncs ont été laissés sur place.
Des sangliers se sont frottés contre le bas des troncs, contre le poteau, les condamnant à courte échéance.
Nous avons observé le sainfoin humble, nous évitons à présent de marcher sur la deuxième plante emblématique du lieu, protégée elle aussi au niveau régional.
Liseron rayé - Convolvulus lineatus - Convolvulacées




Les paysages sont le résultat d'une longue histoire géologique puis humaine.
La nature des roches qui les composent, les mouvements tectoniques qui les bousculent, les phénomènes d'érosion qui les sculptent, et enfin l'Homme qui parfois les creuse et s'y installe, font qu'ils sont en perpétuelle évolution.
Découvrons ensemble l'histoire géologique de cet étonnant paysage
Car c’est dans ces terrains qu’au XIXéme siècle, Alcide d’Orbigny, naturaliste, voyageur, paléontologue, père de la stratigraphie, découvrit des fossiles pas encore connus. (il serait venu à Apt !). Ce qui l’amena à créer en 1840 un nouvel étage géologique : l’Aptien compris entre – 125 et -113 MA au Crétacé inférieur dans l’ère mésozoïque.
Ces buttes de marnes grises (c'est-à-dire une roche contenant quasi autant de calcaire que d’argile) donnant par érosion un paysage caractéristique "en dos d'éléphant" sont devenues le stratotype* de l’Aptien ; c'est-à-dire l’étage de référence à l’échelle mondiale.
Ces buttes de marnes grises contiennent des fossiles de petite taille et d'une grande diversité, pour la plupart très bien conservés. Or, certains de ces fossiles ont joué un rôle d'une importance capitale dans la reconstitution de l'histoire de la Terre.
C'est d'ailleurs ainsi que les marnes de la Tuilière sont devenues célèbres dans le monde entier !
Rares et d'une grande valeur scientifique, ces affleurements sont actuellement protégés.
Les fossiles sont les témoins de l'évolution.
Nous cherchons des fossiles... et obtenons une petite récolte ...
Au fur et à mesure que nous rassemblons nos récoltes,
Marie-Thérèse, les place par catégories.
Tous ces fossiles sont des animaux qui vivaient dans l'eau de mer. Comment dater? Ce sont surtout par les ammonites, qui évoluent et disparaissent rapidement; ce sont des fossiles stratigraphiques (Sa biozone est caractérisée par une vaste aire de répartition géographique, une courte existence et un grand nombre d'individus)
Chaque espèce apparait, puis se développe, avant de disparaitre.
C'est pourquoi ils ont été utilisés par les géologues pour établir les divisions des temps géologiques en ères, systèmes, séries, étages...
C'est ainsi qu'en 1840, les marnes autour d'Apt, grâce aux fossiles qu'elles contiennent, ont permis. au naturaliste et géologue, Alcide d'Orbigny, la création d'un nouvel étage stratigraphique appelé « Aptien » : la référence stratigraphique mondiale.
Comparaison du nautile et de l'ammonite
Nous quittons les marnes de la Tuilière, observant quelques plantes.
Astragale de Montpellier - Astragalus monspessulanus - Fabacées
Brunelle blanche - Prunella laciniata - Lamiacées
Trèfle étoilé - Trifolium stellatum - Fabacées

Fruit du Mélilot sillonné - Trigonelle sulcata - Fabacées
Plante rare
Coronille naine - Coronilla minima - Fabacées
Astérolide épineux - Pallenis spinosa - Astéracées
Nous reprenons ensuite les voitures pour nous rendre au-dessus du hameau des Cordiers non loin de là, pour pique-niquer mais aussi pour découvrir les "restes” du sentier botanique de la Garrussière sur une petite colline au dessus du hameau, sentier qui a fait l'objet d'un énorme travail de la part des habitants des Cordiers et du PNRL en 2003 !
Le hameau est agréable à traverser, bordé d’acanthes Acanthus, de Centranthes rouges, roses et blanches, Centranthus ruber.
Nous admirons au passage la jolie maison et sa fontaine fleurie.
Il est 13 heures, il fait très chaud.. La montée, bien que courte, est raide et semble interminable. Mais bientôt, nous atteignons le "petit Paradis", le panneau nous indique que nous sommes bien arrivés, un coin charmant où des tables ombragées nous attendent pour le pique-nique.
Ce terme de Garrussière fait référence à « garrus » qui signifie buisson épineux de Chêne kermès Quercus coccifera.
Au fil des années, le parcours botanique a malheureusement été laissé à l’abandon.
Quelques piquets subsistent encore, chacun portant un numéro renvoyant à la détermination dans le livret, lequel n'est plus édité. Certaines plantes ont migré ailleurs… d’autres ont tout simplement disparu.
Les sentiers, eux, restent bien visibles : ils sont désormais principalement empruntés par les cyclistes. Et nous pouvons toujours observer de nombreuses plantes, en toutes saisons.
Crapaudine hirsute - Sidéritis hirsuta - Lamiacées
Paliure (Epine du Christ) - Paliurus spina-christi - Rhamnacées
Le paliure en fleur attire l'œil par sa floraison d'un jaune vif.
De grosses épines, bien visibles le long des rameaux, rappellent que cet arbuste méditerranéen sait se défendre.
Lors de notre sortie aux Baumettes en septembre 2022, nous avions photographié les fruits si particuliers du paliure. Ce fruit ligneux, en forme de disque hémisphérique, est en réalité un samare : un fruit sec indéhiscent, entouré d’une
aile ondulée et circulaire qui facilite sa dispersion par le vent. On dit qu’il est ailé.
Si l’on coupait ce fruit en son centre, on découvrirait un akène contenant une particularité peu commune : trois graineslogées à l’intérieur. C’est un fait remarquable, car la plupart des akènes n’en contiennent qu’une seule.
Luzerne - Medicado
Accouplement de mouches sur euphorbe dentée
Vélar - Erysimum nevadense - Brassicacées
Anthyllide vulnéraire - Anthyllis vulneraria - Fabacées
Chèvrefeuille des Baléares - Lonicera implexe - Caprifoliacées
Immortelle - Helichrysum stoechas - Astéracées
Coris de Montpellier - Coris monspelliensis - Primulacées
Fruit du coris de Montpellier
Oeillet de Godron - Dianthus godronianus - Caryophyllaceae
Limodore à feuilles avortées - Limodorum abortivum - Orchidacées
La tige, dressée et simple, est ornée de feuilles réduites en écailles, plaquées contre la tige. Le fruit s'ouvrira par 6 fentes. Ce n'est pas une plante parasite, elle est en relation avec un champignon avec lequel elle forme une mycorhize, lui-même en symbiose avec un chêne.
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Cette année, avec les pluies abondantes, la floraison est assez spectaculaire par endroits et nous découvrons des tapis de fleurs jaunes de la famille des fabacées, anciennes légumineuses, reconnaissables à leur fleur papilionacée - l'hippocrépide à toupet avec ses fleurs disposées en couronne.
Hippocrépide à toupet - Hippocrepis comosa - Fabacées
Céphalanthère - Cephalanthera rubra - Orchidacées
Leuzée conifère - Rhaponticum coniferum - Astéracées
Nous cherchons avec Marie-Thérèse l'aristoloche pistoloche - Aristolochia pistolochia L. en vain, jusqu'à ce que nous en découvrions une station ...
Nous voilà partis à la recherche de l'oeuf de la Proserpine - Zerynthia rumina, ce papillon qui ne pond que sur l'aristoloche pistoloche. Les oeufs sont pondus isolément sur la face inférieure des jeunes feuilles.
Pas d'oeuf en vue .. mais une superbe chenille!
Nous pouvons remarquer le fruit de l'aristoloche pistoloche, qui fait penser à un petit melon.


Nous sommes à la fin du parcours botanique, qui s'étend sur un peu plus d'1 km.
Les brins d'herbe ont du talent.. un peu de mousse, des fleurs piquées dedans, cueillies tout au long de la balade...
Nos sacs étaient bien gardés durant notre balade, nous passons à l'espace pique-nique pour les récupérer et observons une abeille charpentière ...
Arrivés aux voitures, Marie-Thérèse nous montre la garance des teinturiers et nous suggère de goûter aux mûres blanches...
Encore une belle journée..
Merci à Marie-Thérèse pour la découverte de ces lieux fossilifères et florifères, riches en merveilles du passé comme du présent. .
Un immense merci également aux photographes du jour, Guy, Jeannine et Marie-Thérèse. Sans vos clichés, ce blog manquerait de lumière, de couleur, et de vie.